Les Premiers Pas de la Critique de la Connaissance selon Xénophane de Colophon

Quels ont été les premiers pas dans la critique de la connaissance, si l’on en juge d’après XÉNOPHANE de Colophon ?

Ceci est un extrait[1] du travail de mi-session dans le cadre d’un cours de philosophie à l’université Laval au Canada. Ce travail relate les premiers pas dans la critique de la connaissance, si l’on en juge d’après XÉNOPHANE de Colophon. C’est une inspiration pour Xenofan Consultants Constructions.

Pouvoir distinguer le vrai d’avec le faux, est un aspect fondamental de la philosophie de René Descartes, philosophe du 17e siècle. Mais bien avant lui, un Présocratique, Xénophane de Colophon posa les premiers pas dans la critique de la connaissance. Les Milésien qui précèdent Xénophane, bien qu’ayant une attitude assez critique, semblent préoccupés beaucoup plus par leurs théories cosmologiques. Xénophane s’attaque au cœur des croyances populaires grecques, critique leurs conceptions des dieux et critique les fondements de leur éducation morale et religieuse. Comment des dieux peuvent-ils se livrer à l’adultère ? Les dieux sont-ils parfaits ? Et comment le savons-nous avec certitude ? Voilà quelques remises en question que Xénophane a dû se poser. Son activité, essentiellement critique débouche sur la formulation d’une théorie de la connaissance. Les premiers pas dans cette critique de la connaissance passent d’abord par une critique de l’anthropomorphisme, ensuite une avancée vers un discours monothéiste et enfin une formulation des conditions de la connaissance. Il s’agit là des trois étapes que nous allons développer pour montrer la critique de la connaissance selon Xénophane.

 

La première étape dans le projet critique de Xénophane consiste en la critique de la religion populaire grecque. Il s’agit surtout d’une critique de l’anthropomorphisme. En effet, nous sommes aux environs du 4e siècle avant Jésus Christ, et la croyance populaire et l’éducation grecque apparaissent bercées par les poètes que sont Homère et Hésiode. Par leurs poésies, ils traitent de toutes sortes de sujets, qui se déversent ensuite dans les croyances populaires et reçoivent l’admiration et l’adoration du peuple. Au point où les concitoyens les récitaient durant des prestations publiques et cérémonies privées. Xénophane, lui, récitait ses propres poèmes dans lesquels il s’activait à la critique et à la dénonciation. Sa première critique est à l’endroit des anciens – Homère et Hésiode – pour avoir attribué aux dieux la cause de l’immoralité humaine et la seconde critique concerne le fait de percevoir les dieux sous la forme ou sous l’aspect humaine. Comment les dieux peuvent-ils se livrer à l’immoralité ou la cautionner ? Si les dieux sont considérés comme des êtres supérieurs et surnaturels, comment peuvent-ils s’adonner aux vols, aux mensonges et à l’adultère ? Xénophane n’est pas d’accord avec Homère et Hésiode, car : « ils ont raconté sur le compte des dieux toutes sortes d’actions qui défient la justice […] »[2]. Il critique ces attributs immoraux des dieux, et suggère même que soient censurées les histoires que les poètes racontent au sujet des dieux[3]. La seconde critique vise elle le cœur même de l’anthropomorphisme ; cette tendance à vouloir attribuer les attributs humains aux dieux et aux objets de notre expérience. Xénophane s’indigne et dénonce cette attitude. Ce n’est pas parce que nous avons une naissance et une mort qu’il en est ainsi chez les dieux, Ce n’est pas parce que nous nous mouvons que les dieux se meuvent. Il s’agit des dieux ! Ils sont des êtres supérieurs. Cette façon de penser n’est pas valide selon Xénophane, sinon, il faut aussi suggérer que les chevaux, les lions et même les poissons s’imaginent les dieux à leurs images et à leurs ressemblances. Si donc la connaissance des dieux est incorrecte, quels en sont donc leurs attributs ?

 

Le deuxième pas dans la critique de la connaissance est une avancée vers le monothéisme, par définition de la nature divine. La culture grecque de cette époque est marquée par le polythéisme. Il existe plusieurs dieux, par exemple, Zeus, Eros, Apollon et Hermès. Xénophane souligne essentiellement la thèse d’existence d’un seul et puissant Dieu, « le plus grand chez les dieux et les hommes, et qui en aucun cas n’est semblable aux mortels […] »[4]. Si les dieux sont des êtres supérieurs aux hommes, il doit nécessairement y avoir un être supérieur aux dieux, un être au sommet de tout. En effet, s’il y a plusieurs dieux, on se demanderait toujours et à l’infini, la question de savoir lequel est supérieur et ainsi de suite. Et une manière suffisante pour y répondre, est celle d’admettre l’existence d’un seul et unique Dieu - Dieu est UN. Mais quelle est la nature de ce Dieu unique ? Dieu est supérieur aux hommes et ne leur [est] en aucun cas semblable, alors, Il n’a pas besoin de se déplacer ou se mouvoir comme les hommes qui vont d’un endroit à un autre pour leurs activités : « Toujours au même endroit, il [Dieu] demeure ou il est »[5]. Xénophane estime que Dieu détient la perfection de tout ce qui se trouve en l’Homme et tout ce que les « mortels » peuvent s’imaginer. Dieu peut voir, entendre, percevoir et agir de manière infinie. Il souligne par exemple que : « sans peine, et par la force seule de l’esprit, il [Dieu] donne le branle à toute choses »[6]. Dieu représente et est capable de toutes les perfections que nous pouvons imaginer. C’est une idée, que Descartes développera des siècles plus tard. Cette conception de Xénophane est diamétralement opposée à la croyance populaire. Mais comment notre philosophe de Colophon est-il certain de cette connaissance ?

 

Et enfin, la dernière étape dans la critique de la connaissance consiste en la formulation d’une théorie de la connaissance, en d’autres termes, les conditions de la connaissance. Xénophane formule essentiellement que la connaissance claire est de l’ordre divin, cependant, il est possible pour le commun des mortels d’avoir une meilleure connaissance des choses. Trois points ressortent de cette énonciation. Il s’agit d’abord de signifier qu’aucun être humain ne possède la connaissance claire et certaine des choses. Le divin est perfection, et possède aussi la connaissance complète et vraie. Les humains ont des limitations ou des imperfections. En d’autres termes, l’erreur réside toujours dans la connaissance humaine. Et d’ailleurs, comment les humains sauront-ils même s’ils sont dans la vérité ? Qui déterminera ce qui est vrai ? Ceci ouvre la voie au deuxième point souligné par la théorie de la connaissance : Que toute connaissance humaine n’est qu’opinion. Xénophane souligne dans ce sens que : « Si Dieu n’avait pas créé le miel doré, le comble du sucré serait le lot des figues ». Ceci souligne la subjectivité de la pensée et la perception humaine qui a chaque fois besoin d’une référence extérieure pour juger sa connaissance des choses. Ce qui est vrai pour nous peut être faux pour un autre. Alors, ceci signifie que la vie est une espèce de chaos [où] règne le relativisme ? Il me semble que non, car à la lecture de Xénophane, la référence universelle et absolue de la vérité réside en la divinité, en Dieu. Le dernier point de la théorie de la connaissance consiste à donner de l’espoir à l’Homme en indiquant qu’il est possible de s’approcher ou de tendre vers la vérité. Popper l’exprime en ces termes : « les dieux ne nous ont pas révélé d’emblée toutes choses ; mais en cherchant, nous pouvons apprendre et avoir une meilleure connaissance des choses […]»[7]. Tout ce qui est possible aux Hommes est d’avoir une meilleure connaissance des choses, des connaissances ayant ressemblance à la vérité. Pour tendre vers la vérité, si l’on s’en remet à l’attitude de Xénophane, il faut être continuellement critique à l’égard de la connaissance et retenir les conjectures qui résistent le plus à la critique dans la perspective d’un Dieu unique, parfait et tout puissant.

 

A la lecture de Xénophane, les premiers pas dans la critique de la connaissance se subdivisent notamment en trois phases. D’abord nous notons la critique de la tendance populaire grecque à l’anthropomorphisme, où Xénophane s’attaque et accuse Homère et Hésiode de faire une fausse représentation des dieux. Ensuite s’en suit, une correction, disons une définition de ce que Xénophane considère comme attribut de la divinité ; pour lui, Dieu est unique, sans ressemblance aux mortels, et parfait et puissant à tous égards. Finalement, pour formuler sa théorie de la connaissance, Xénophane de Colophon estime que la connaissance humaine n’est qu’opinion, est toujours susceptible d’erreur, mais peut devenir meilleur et ainsi seulement tendre vers la connaissance claire qui est détenue par Dieu. Nous voyons ici les prémisses que ce qui constituera plus tard le projet philosophique de Descartes. Toutefois, au demeurant, il est raisonnable de penser comme Popper que la connaissance est conjecture et réfutation.


[1] Martial Youadjeu, Travail de mi-session, Été 2018, PHI-1110 : A l’origine de la philosophie : Les Présocratiques, Université Laval, p.8

[2] Fragments, DK 21 B 6 à 18 ; B 23-26 ; B 34, 35 et 38, Extrait dans Recueil de cours (ETE 2018), PHI-1110 : A l’origine de la philosophie : Les Présocratiques. p182.

[3] Lesher, James, "Xenophanes", The Stanford Encyclopedia of Philosophy (Spring 2018 Edition), Edward N. Zalta (ed.), URL = <https://plato.stanford.edu/archives/spr2018/entries/xenophanes/>

[4] Fragments, DK 21 B 6 à 18 ; B 23-26 ; B 34, 35 et 38, Extrait dans Recueil de cours (ETE 2018), PHI-1110 : A l’origine de la philosophie : Les Présocratiques. p184.

[5] Ibid p184.

[6] Ibid

[7] K. Popper, Conjecture et réfutation, Extrait dans Recueil de cours (ETE 2018), PHI-1110 : A l’origine de la philosophie : Les Présocratiques. p.131

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